L’Europe a récemment publié le Green New Deal, son nouveau pack vert pour la croissance. Dans ce plan destiné à renforcer et ancrer l’économie circulaire comme nouveau modèle de consommation, l’éco-conception se taille la part belle. Mais, l’Europe est-elle à la hauteur de ses ambitions à travers les différentes politiques d’éco-conception européenne ?

Dans le domaine des biens de consommation et des produits manufacturés, les politiques Européennes en matière de transition écologique sont ambitieuses et s’appuient essentiellement sur deux outils : l’étiquette énergétique et l’écoconception (Norme écodesign). Petit décryptage de ses deux outils réglementaires.

Comment l’étiquette énergie agit sur l’éco-conception ?

De façon vulgarisée, l’éco-conception revient à réduire l’empreinte environnementale des produits mis sur le marché. L’objectif est claire, réduire efficacement les externalités négatives d’un produit sur une ou plusieurs étapes de son cycle de vie.

Par exemple :

  • Pour réduire la pollution liée aux transports, on peut relocaliser la production au plus près de la distribution
  • Pour abaisser la pollution liée aux emballages, on peut utiliser des matériaux recyclés et/ou recyclables
  • Pour diminuer de façon globale la pollution liée à la fabrication on peut améliorer la réparabilité ou la fiabilité des produits pour en allonger leur durée de vie
  • Pour amenuiser la pollution liée à l’utilisation on peut améliorer la consommation énergétique

Dans ce dernier exemple, la fameuse étiquette énergie a permis de réduire la consommation énergétique des équipements électriques ou électroniques. L’étiquette énergétique a challengé les fabricants et orienté les consommateurs vers des produits moins énergivores.
Aussi, la réduction de la consommation énergétique, du parc d’équipement global des machines à laver ou des laves vaisselles par exemple, permet d’éviter l’émission de quantités importantes de C02 tout en allégeant la facture énergétique des ménages Européens.

« En 2020, on estime que les étiquettes énergétiques et l’écoconception ont permis de réaliser des économies d’énergie correspondant à environ 9 % de la consommation totale d’énergie de l’UE et à une réduction de 7 % des émissions de carbone. »

Comment les normes d’application écodesign agissent sur l’environnement ?

L’Europe s’appuie sur un deuxième outil pour encourager l’éco conception (donc l’environnement) via les Normes Écodesign.

Dans ces exigences d’éco conception, outre le volet performance environnemental lié à la consommation énergétique (vu ci-dessus), on retrouve les exigences suivantes :

  • la fourniture d’informations destinées aux consommateurs leur indiquant comment installer, utiliser et entretenir le produit […] et lui assurer une espérance de vie optimale […] des informations relatives à la période de disponibilité des pièces de rechange et aux possibilités d’adaptation des produits ;
  • le souci d’éviter des solutions techniques préjudiciables pour le réemploi et le recyclage de composants et d’appareils entiers ;
  • indicateurs de l’extension de la vie utile : vie utile minimale garantie, délai minimal pour obtenir des pièces de rechange, modularité, extensibilité, réparabilité

Exemple de règlement européen écodesign ou écoconception

Voici, dans le détail, un exemple avec l’annexe consacrée aux lave-linge RÈGLEMENT (UE) 2019/2023. À partir du 1er mars 2021, les lave-linge sont conformes aux exigences suivantes :

1- Disponibilité des pièces de rechange :

    a) Les fabricants ou importateurs de lave-linge ménagers et de lave-linge séchants ménagers, ou leurs mandataires, mettent à la disposition des réparateurs professionnels au moins les pièces de rechange suivantes, pendant une période d’au moins dix ans après la mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné :
  • moteur et balais de moteur transmission entre moteur et tambour;
  • pompes;
  • amortisseurs et ressorts;
  • tambour de lavage, croisillon de tambour et roulements correspondants (séparément ou en lot);
  • générateurs de chaleurs et éléments chauffants, y compris les pompes à chaleur, (séparément ou groupés); conduites et matériel connexe, y compris l’ensemble des flexibles, vannes, filtres et systèmes aquastop (séparément ou groupés);
  • cartes de circuit imprimé;
  • affichages électroniques;
  • manocontacts; thermostats et capteurs;
  • logiciels et micrologiciels, y compris logiciels de réinitialisation;

b) Les fabricants ou importateurs de lave-linge ménagers et de lave-linge séchants ménagers, ou leurs mandataires, mettent à la disposition des réparateurs professionnels et des utilisateurs finaux pendant une période d’au moins dix ans après la mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné; au moins les pièces de rechange suivantes :

  • portes, charnières et joints de porte, autres joints
  • assemblage de verrouillage de la porte
  • accessoires en matière plastique tels que distributeurs de détergent

c) Les fabricants ou importateurs de lave-linge ménagers et de lave-linge séchants ménagers, ou leurs mandataires, veillent à ce que les pièces de rechange mentionnées aux points a) et b) puissent être remplacées à l’aide d’outils couramment disponibles et sans dommage irréversible au lave-linge ménager ou au lave-linge séchant ménager;

d) La liste des pièces de rechange visés au point a) et la procédure pour les commander sont accessibles au public sur le site internet en accès libre du fabricant, de l’importateur ou du mandataire, au plus tard deux ans après la mise sur le marché de la première unité d’un modèle ou d’un modèle équivalent et jusqu’à la fin de la période de disponibilité de ces pièces de rechange;

2 – Accès aux informations sur la réparation et l’entretien :

(…)L’importateur ou le mandataire donne accès aux informations sur la réparation et l’entretien des lave-linge ménagers et des lave-linge séchants ménagers aux réparateurs professionnels (…)

Le fabricant à la possibilité d’exiger certaines garanties de la part du réparateur avant de lui fournir les informations suivantes, notamment de s’assurer que celui-ci est bien un professionnel, mais la mention de réparateur agréé n’est pas une option pour délivrer ou non l’information.

Voici les informations à délivrer par le fabricant de façon systématique :

Les informations de réparation et d’entretien du lave-linge ménager ou du lave-linge séchant ménager mentionnées au point a) comprennent :

  • une identification sans équivoque du lave-linge ménager ou du lave-linge séchant ménager;
  • un schéma de démontage ou une vue éclatée;
  • un manuel technique d’instructions relatives à la réparation;
  • une liste du matériel de réparation et de test nécessaire;
  • les informations concernant les composants et le diagnostic (telles que les valeurs théoriques minimales et maximales pour les mesures);
  • des schémas de câblage et de raccordement;
  • les codes d’erreur et de diagnostic (y compris les codes spécifiques au
    fabricant, le cas échéant);
  • les instructions pour l’installation des logiciels et micrologiciels pertinents, y
    compris les logiciels de réinitialisation; et
  • les informations sur les modalités d’accès aux données relatives aux incidents de
    défaillance signalés enregistrées dans le lave-linge ménager ou le lave-linge séchant ménager (le cas échéant);

Il en va de même pour les frigos, les télévisions, les climatiseurs, les lave-vaisselles… et de nombreux autres produits. L’ensemble de ces mesures sont louables et bénéfiques tant pour l’environnement que pour l’allongement de la durée de vie des produits.

Mais… parce qu’il y a toujours un mais, l’Europe est-elle pleinement engagée dans ce processus vertueux ou est-elle ambivalente ?

Les politiques environnementales Européennes sont-elles à la hauteur de leurs ambitions ?

Les technologies embarquées dans nos biens d’équipement électrique et électronique évoluent sans cesse. Ainsi, pour que les mesures mises en place par l’Union Européenne continuent d’avoir un impact positif sur l’environnement, il est nécessaire de réviser les règlements Écodesign ainsi que les seuils énergétiques de l’étiquette énergie sur des échelles de temps relativement courtes, toutes les quelques années. 

Mais c’est également le cas pour les nouveaux produits. Les trottinettes électriques, par exemple, doivent rapidement être réglementés pour que les outils que sont l’éco-conception et l’étiquetage énergétique continuent de fonctionner et d’être efficace.

Ces travaux de recherche, menés par des experts produits du JRC par exemple, nécessitent de l’investissement de la part de l’UE. Ils sont chronophages et coûteux mais absolument indispensables si la Commission Européenne veut être cohérente avec les discours élogieux qu’elle prodigue en faveur de l’éco-conception et de ses avantages.

Or, de nombreuses entités constatent les retards et les trop faibles moyens accordés à ces outils.

Ainsi, le réseau ECOS, dont est membre notre coopérative Ethikis, tire la sonnette d’alarme dans un article du 11 Octobre 2021 et demande à la Commission Européenne de passer de la parole aux actes :

« Si l’on considère les mises à jour des règlements énergétiques et d’éco-conception des produits déjà couverts et des nouveaux produits prévus pour la période 2016-2019, seuls 25 % ont été mis en œuvre. En d’autres termes, deux ans après l’échéance initiale, les fonctionnaires ont encore les trois quarts de leurs devoirs en suspens.

Depuis l’entrée en fonction de la Commission Von Der Leyen, pas un seul produit n’a vu ses règles d’éco conception révisées, alors que 13 étaient déjà en attente de révision et que 10 autres attendaient d’être nouvellement réglementés.
Et ce n’est pas tout : la Commission élabore actuellement un nouveau plan de travail pour la période 2020-2024 – à l’automne 2021, ce plan n’est toujours pas prêt. »

C’est en effet problématique car chaque retard signifie que nous perdons une occasion de réguler et d’encourager un peu plus le marché pour une transition écologique indispensable et réussie.

La preuve par l’exemple, les experts en produits réfrigérants ont mis en évidence un lien direct entre les retards accumulés par l’Europe sur ses dossiers et la génération de 10 Millions de tonnes (CO2eq) d’émissions supplémentaires d’ici 2030, soit l’émission de 5 millions de voitures pendant un an.

Enfin, histoire d’enfoncer le clou, les experts de Coolproducts calculent que les politiques cumulées d’éco-conception et d’étiquetage énergétique pourraient, à elles seules, permettre d’atteindre 30% des objectifs de réduction des émissions fixés par l’UE pour 2030. 

En d’autres chiffres, sur les 1500 Millions de Tonnes d’émissions de C02 à économiser, étiquette énergie + mesure d’éco conception pourraient à elles seules faire économiser 500 Millions de tonnes. Pourquoi donc ne pas accorder toute l’importance à ce sujet ?

Bien qu’assez méconnus du grand public, les mesures en faveur de l’éco conception et l’étiquetage énergétique sont de réelles réussites pour l’UE. Elles ont réussi à faire un pont pragmatique entre enjeux écologiques à long terme et enjeux économiques quotidien des citoyens.

Considérées par la Commission Européenne elle-même comme un levier à très fort potentiel environnemental, il est maintenant nécessaire que la Commission abandonne cette forme de schizophrénie et alloue les financements et les effectifs suffisants par rapport à ses propres ambitions pour que l’éléphant n’accouche pas d’une souris.